Nuit du 22 au 23 juin 1944
Handley-Page Halifax MkIII LK840
Squadron 78
Royal Air Force
Quinquempoix (Oise)
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Pour cette mission nocturne de la nuit du 22 au 23 juin 1944, le Bomber Command de la RAF déploya 221 appareils afin de bombarder les installations ferroviaires de Laon, dans l’Aisne, et de Reims, dans la Marne.
Basé à Breighton (Yorkshire), le Squadron 78, équipé de bombardiers Halifax, reçut la mission d’envoyer ses équipages bombarder les installations ferroviaires de Laon. Les appareils décollèrent à partir de 22h48, s’assemblèrent en formation et mirent le cap vers la France. Le bombardement toucha le centre ferroviaire mais également la partie basse de la ville déjà fortement éprouvée lors de raids précédents.
Au cours du vol retour, vers 2 heures du matin et probablement après avoir été attaqué par un chasseur de nuit allemand, le Halifax LK840 vint s’abattre dans la plaine, près du village de Quinquempoix.
Lieu du crash
L’équipage du Halifax LK840 :
F/O David Lloyd IRWIN |
Pilote |
25 ans |
Canadien |
F/O Harold Arthur FUHR |
Navigateur |
26 ans |
Canadien |
Sgt William Stanley SHARRATT |
Bombardier |
Britannique |
|
Sgt Alexander GILL |
Mécanicien | Britannique | |
F/O Brinley SHEPSTONE |
Opérateur-radio | 21 ans | Britannique |
Sgt William C. BROWN |
Mitrailleur | 29 ans | Britannique |
Sgt Thomas Robert OWEN |
Mitrailleur arrière | 21 ans | Britannique |
F/O David L. IRWIN et F/O Harold A. FUHR
Les F/O David Irwin, Harold Fuhr et Brinley Shepstone ainsi que le Sgt Thomas Owen, périrent dans le crash de l’appareil. La bible du Sgt Owen fut retrouvée parmi les débris.
Débris du Halifax III LK 840
Malgré l’occupant allemand, les quatre aviateurs furent inhumés quelques jours plus tard dans le cimetière communal de Quinquempoix en présence d’une foule nombreuse venue assister aux obsèques.
Le Sgt Alexander Gill, blessé, fut capturé par les Allemands et envoyé dans un hôpital pour être soigné avant d’être transféré dans un camp de prisonniers en Allemagne.
Parvenu à évacuer l’appareil, le Sgt William Sharratt fut recueilli et hébergé notamment à Wavignies, chez Henri Vincenot, puis dans le village d’Ansauvillers, chez la famille Hennon. Il y séjourna plusieurs jours avant d’être conduit au château de la Borde, chez la famille De Baynast, à Sains-Morainvillers, où il séjourna quelques jours.
Sgt William S. Sharratt avec Michèle Gallopin Edmond Hennon revêtu de l'uniforme de Sharratt
Craignant une perquisition des Allemands (ils avaient appris que leur nom circulait dans les bureaux de la Gestapo), Jacques et Colette de Baynast le confièrent à Robert Moulet qui emmena William Sharratt chez Melle Suzanne Cauvel, une institutrice âgée de 33 ans, qui habitait à l’école de Le Mesnil-Saint-Firmin.
Certainement dénoncé par un individu en quête de récompense, le Sgt William Sharratt fut capturé dans l'école par les Allemands. Suzanne Cauvel, qui était partie chercher du ravitaillement, échappa de peu à l’arrestation.
Dans les jours qui suivirent, il fut transféré à la prison de Fresnes, près de Paris. Le 15 août 1944, avec plus de 2 000 autres prisonniers surveillés par les SS, il embarqua dans un train, sur le quai à bestiaux de la gare de Pantin, à destination du camp de concentration de Buchenwald. Dans des conditions effroyables, le périple dura cinq jours. William Sharratt fit partie des 168 aviateurs alliés détenus à Buchenwald jusqu’à la mi-octobre 1944. Suite à l'intervention d'officiers de la Luftwaffe, tous les aviateurs furent transférés au Stalag Luft III, à Żagań, dans l'est de l'Allemagne, désormais en Pologne. Face à l'avancée des troupes soviétiques, le camp, comprenant à ce moment des milliers de prisonniers, fut évacué fin janvier 1945. A pied ou en train, au cours de ce rude hiver, les prisonniers furent dirigés vers différents autres camps. William Sharratt fut finalement libéré par l'Armée américaine en mai 1945.
Evasion du Sgt William Brown (basée d’après son rapport d’évasion et sur celui du F/O Louis Greenburgh).
Le Sgt William Brown, d’origine écossaise, parvint également à s’extirper du Halifax et atterrit dans un champ de blé, non loin de Wavignies, vers 1 heure 30 du matin. Il y resta caché jusqu'à l’aube puis s’approcha d'une ferme où les propriétaires lui donnèrent de la nourriture, des vêtements civils et firent appel à un docteur. Vers 22 heures, un médecin (possiblement Edmond Caillard) vint le soigner puis l'emmena à Wavignies, chez Henri Vincenot, chef de groupe FTP, et sa femme Yvonne, gardiens du château de Wavignies. Ceux-ci hébergeaient déjà, depuis le 10 juin, deux autres aviateurs anglais, Richard Woosnam et Fred Carey.
Le F/Sgt Richard Woosnam et le Sgt Fred Carey étaient membres de l’équipage du Lancaster LL727, du Squadron 514, abattu dans la nuit du 7 au 8 juin 1944 à Sainte-Eusoye (Oise).
Le 29 juin, le F/O Louis Greenburgh, qui était hébergé depuis trois semaines chez Paul Grenaud à Puits-la Vallée, était amené dans une charrette tirée par un cheval chez les Vincenot.
Le F/O Louis Greenburgh était le pilote canadien du Lancaster LL727 tombé à Sainte-Eusoye dans la nuit du 7 au 8 juin 1944.
Henri Vincenot
Le 1er juillet, amenés par Yvonne Vincenot, William Brown et Louis Greenburgh vinrent loger chez Henri Réant, âgé de 65 ans, secrétaire de mairie à Wavignies, et sa femme Marie. Les deux aviateurs restaient dans la cave le jour et dormaient dans le grenier la nuit.
Le 2 juillet, sur les conseils de Lucien Sueur, maire de Wavignies, Henri Vincenot, qui pressentait un danger imminent, confia le F/Sgt Richard Woosnam et le Sgt Fred Carey à Joseph Bugar, un ouvrier agricole d’origine yougoslave, et sa compagne Marie Dubezak.
Tôt, le matin du 3 juillet, les Allemands investissaient le village. La famille Réant fut réveillée par des bruits de fusillade dans le village. Richard Vanach, un Belge résidant à Wavignies, vint avertir les Réant que les Allemands avaient attaqué le château et encerclaient le village. Au cours de l'engagement avec l'ennemi, Henri Vincenot fut abattu les armes à la main en présence de sa femme et de ses deux enfants âgés de 6 et 8 ans.
La famille Réant cacha rapidement sous des fagots William Brown et Louis Greenburgh, dans une grange contigüe à leur domicile. Puis Marie Réant leur demanda de sortir et les guida en dehors de la maison. Les deux aviateurs se dissimulèrent toute la journée dans des orties. Dans la soirée, elle envoya un enfant qui apporta de la nourriture et une boussole puis le père de l’enfant les aida à s’éloigner du village.
Les Allemands vinrent fouiller la maison mais n’étaient pas parvenus à découvrir les deux aviateurs. Ils arrêtèrent Henri Réant qui fut emmené à la prison de Compiègne puis, à partir du 24 juillet, au camp de Royallieu. Le 17 août, il fut déporté au camp de concentration de Buchenwald. Le 14 septembre, il fit partie du convoi qui emmena une partie des déportés dans les mines de sel de Neu-Stassfurt. Epuisé et malade, Henri Réant y décéda début 1945.
Ce même matin du 3 juillet, les Allemands vinrent perquisitionner le domicile de Joseph Bugar à la recherche des deux aviateurs, Richard Woosnam et Fred Carey, qui avaient été, entre-temps, cachés dans un trou aménagé sous un tas de fumier. Ils furent finalement découverts et conduits au château où se trouvaient déjà plusieurs habitants arrêtés. Tous furent ensuite emmenés et incarcérés à la maison d’arrêt de Compiègne.
Richard Woosnam et Fred Carey furent envoyés au Stalag Luft 7 puis au Stalag 3-A, en Allemagne. Ils furent libérés par l’Armée soviétique en avril 1945.
Marie Dubezak fut déportée à Ravensbrück puis à Bergen-Belsen et survécut. Emprisonné, Joseph Bugar échappa à la déportation. L’instituteur Jean Dupuy mourut à Buchenwald en février 1945. Lucien Sueur et d’autres habitants du village arrêtés au cours de cette rafle survécurent à l’enfer concentrationnaire.
Désormais livrés à eux-mêmes, William Brown et Louis Greenburgh profitèrent de l’obscurité pour se diriger vers le sud, se déplaçant principalement la nuit, traversant champs et villages tout en obtenant de la nourriture de la part de cultivateurs complaisants. Le 11 juillet, ils atteignirent le hameau de Fillerval, près du village de Thury-sous-Clermont. Une petite fille d’une douzaine d’années en train de puiser de l’eau dans un puits aperçut les deux hommes à l’allure effrayante, vêtus de loques et pas rasés depuis plusieurs jours. D’abord apeurée, elle comprit, après un bref échange, qu’ils étaient des aviateurs alliés en fuite et partit prévenir ses parents. Il s’agissait d’Aurélien et Fernande Fouquet. Accueillis dans la maison, la femme prépara un repas puis les deux aviateurs purent profiter d’un bon bain et obtinrent de nouveaux vêtements. Ils pouvaient déambuler dans la maison mais devaient se cacher dans la cave à la moindre alerte. Ils se sentaient comme faisant partie de la famille, occupant leur temps à jouer aux cartes ou au jeu de dames. Aurélien et Fernande Fouquet envisageaient de les garder avec eux jusqu’à la Libération mais un membre de la Résistance les en a dissuada et décida de déplacer les deux aviateurs.
Quelques jours plus tard, ils furent emmenés en voiture à Mouy, chez Joseph Balandras, propriétaire d’un garage. Malgré la présence de soldats allemands qui venaient régulièrement faire réparer leurs véhicules, Joseph Balandras prit le risque d’héberger les deux aviateurs en les cachant dans une pièce attenante à l’atelier pendant deux jours.
William Brown, toujours en compagnie de Louis Greenburgh, fut ensuite emmené dans une charrette dans un bois, jusqu’à la maison de Gaston Coyot, un garde-chasse qui habitait le hameau de Saint-Claude, près de Bury. Les deux aviateurs logèrent une quinzaine de jours dans le grenier, sous la protection de la famille Coyot. Pendant leur séjour, les Allemands entreprirent des recherches pour arrêter des résistants ayant effectué des sabotages, obligeant les deux aviateurs à se dissimuler, par mesure de sécurité, dans une grotte pendant trois jours.
Vers le 21 juillet (vers le 1er août selon Greenburgh), Joseph Balandras emmena en voiture les deux aviateurs à Chantilly où un rendez-vous était convenu avec une jeune femme (possiblement Yvonne Deplanche) qui les prit en charge. La suivant à distance, les deux aviateurs atteignirent la gare de Chantilly où se trouvaient de nombreux soldats allemands. Tickets en poche et accompagnés de leur guide, ils montèrent dans un train rempli en partie de troupes allemandes à destination de Paris.
Arrivés à la gare du Nord et après avoir franchi sans encombre les contrôles, la jeune femme les emmena dans le 17e arrondissement, chez Renée Picherie, rue des Epinettes, leur nouvelle hébergeuse. Après un bon repas, les deux aviateurs tombèrent de sommeil. Ils séjournèrent à cette adresse pendant 5 jours.
Occasionnellement Mme Picherie les emmenait faire du « tourisme » dans la capitale. Cependant, l’une des visites faillit mal tourner. Se promenant à proximité de la butte Montmartre, William Brown, qui se trouvait à quelques mètres en arrière, fut abordé par deux officiers allemands. Sachant que l’aviateur ne parlait pas français et ne possédait aucun papier, Mme Picherie fit alors preuve d’un grand sang froid en s’approchant des Allemands, leur demandant ce qu’ils voulaient. Les Allemands avaient des soupçons à propos de Brown qui ne leur répondait pas. Renée Picherie simula l’hystérie, disant que son frère était sourd et muet, demandant aux Allemands ce qu’ils avaient fait pour lui et ce qu’il était advenu des Français depuis l’Occupation. Les deux officiers, déconcertés, la prirent pour une folle puis s’éloignèrent.
Les deux aviateurs furent par la suite pourvus en faux papiers d’identité puis séparés.
Emmené quelques jours plus tard à la gare d’Austerlitz, le Sgt William C. Brown rejoignit l’un des camps de la forêt de Fréteval, dans le Loir-et-Cher. Depuis le débarquement des troupes alliées en Normandie, il n’était plus question d’évacuer les aviateurs alliés par les filières d’évasion menant vers la frontière espagnole ou vers la Bretagne.
Plus de 150 aviateurs étaientt regroupés dans ces camps jusqu’à leur libération le 14 août 1944 par des troupes américaines.
Au cours de son évacuation en direction de Le Mans puis de Bayeux, le camion à bord duquel se trouvait William Brown fit une embardée et se retourna, blessant Brown au poignet. Il fut rapatrié quelques jours plus tard au Royaume-Uni et soigné à l’hôpital de Saint-Athan, au Pays de Galles.