Eté 1944
Saint Leu-d'Esserent dans la tourmente
Copyright © 2015 Association des Sauveteurs d'Aviateurs Alliés - Tous droits réservés -
In English
Entre le 17 mars et le 31 août 1944, la ville de Saint-Leu-d’Esserent fut l’objet d'un nombre important de bombardements et mitraillages (selon certaines sources, il en est fait mention de 18) de la part de la 8th US Army Air Force, de la 9th US Army Air Force et de la Royal Air Force.
Les cibles visées étaient la gare de triage du Petit-Thérain, la ligne ferroviaire Creil-Pontoise, le port fluvial, le pont de Laversines, l’écluse, les batteries de la D.C.A allemande et les carrières souterraines qui abritaient les V1.
Petit-Thérain : bombardement du 28 mars 1944 vers midi par la 9th USAAF (source NARA)
Les attaques sur le sud de l'Angleterre par les bombes volantes V1, sont des nuisances réelles pour le peuple.
Steve Darlow, dans son livre "Sledgehammers for Tintacks", donne les chiffres suivants concernant les pertes dues aux V1 :
6 184 civils tués, 17 981 sérieusement blessés, 23 000 maisons détruites et des centaines de milliers endommagées.
La campagne de bombardement, débutée en 1943 (opération CROSSBOW) contre les rampes de lancement, a retardé et a réduit le nombre de tirs de V1 mais ne les a pas annihilés.
Photo de reconnaissance aérienne datant du 13 juin 1944
Le 29 juin 1944, le dépôt de St-Leu (code LEOPOLD) devient une cible prioritaire pour le Bomber Command afin de détruire la source d'alimentation des rampes de lancement (2 autres dépôts sont visés : Nucourt (code NORDPOL), dans le Val d'Oise, et Rilly-la-Montagne (code RICHARD), dans la Marne.
Les raids menés sur St-Leu et St-Maximin par la RAF, entraîneront des pertes considérables parmi les équipages de bombardiers :
54 quadrimoteurs détruits, 264 aviateurs tués, 45 sont faits prisonniers et 62 sont recueillis dans l'Oise et les départements limitrophes.
Squadron 50 de la Royal Air Force : embarquement pour une mission de nuit
Le premier raid de la Royal Air Force a lieu sur Saint-Leu en fin de journée le mardi 4 juillet 1944.
17 Lancasters, 1 Mosquito et 1 Mustang du célèbre 617 Squadron surnommé les "Dambusters" ("Briseurs de barrages") larguent 11 bombes Tallboy. La poussière et la fumée générées par les terribles déflagrations empêchent le largage des 6 autres bombes géantes. Aucun avion n’est perdu.
Le deuxième raid est la suite immédiate du premier, il se déroule dans la nuit du 4 au 5 juillet 1944.
231 Lancasters et 15 Mosquitos du 5e Groupe de la RAF larguent environ 1 157 tonnes de bombes explosives et 5 tonnes de bombes incendiaires en 3 vagues entre 01h31 et 01h45 (heure anglaise). Le bombardement est signalé comme étant précis par la RAF. La commune de Saint-Maximin, bien que non visée, fût durement touchée. 13 Lancasters ne rentrent pas en Angleterre. La RAF déplore 77 tués.
Un rapport allemand intercepté par les Britanniques le 5 juillet indique que l'entrée de la carrière n'est pas touchée, la route d'accès et la voie de chemin de fer sont détruites, néanmoins réparables en 24 heures. Les pertes humaines s'élèvent à 5 hommes du dépôt portés disparus. Pour les servants de la Flak (D.C.A.), on dénombre 5 tués, 6 blessés ainsi que 6 à 7 disparus.
Le troisième raid a lieu, toujours sur Saint-Leu, dans la nuit du vendredi 7 au samedi 8 juillet 1944.
208 Lancasters et 13 Mosquitos du 5e Groupe bombardent entre 01h16 et 01h30 (heure anglaise), se délestant, en 3 vagues venant par le sud-ouest, de 1 121 tonnes de bombes explosives et de 4 tonnes de bombes incendiaires. 32 avions sont perdus. C’est le bombardement le plus meurtrier pour les habitants de la ville. 10 personnes vont perdre la vie. De son côté, la RAF déplore 142 tués et 30 prisonniers mais 47 hommes seront sauvés par des particuliers et la Résistance.
Objectif : les carrières abritant les V1
A gauche : l'entrée de la carrière du Couvent
A droite : vue au dessus de la carrière du Couvent
(photos prises en septembre 1944)
Le quatrième raid a lieu dans l’après-midi du mercredi 12 juillet 1944.
168 Halifax, 46 Lancasters et 8 Mosquitos des 4e, 6e et 8e Groupes bombardent les carrières de Thiverny. La cible est couverte de nuages, le résultat ne peut être observé. Aucun appareil n’est perdu.
Le cinquième raid vise les carrières de Trossy-Saint-Maximin. Dans l’après-midi du mercredi 2 août 1944, 94 Lancasters et 2 Mosquitos larguent 650 tonnes de bombes. Tous les appareils retournent à leur base.
Le sixième raid est de nouveau dirigé sur Trossy-Saint-Maximin. Il se déroule dans l’après-midi du jeudi 3 août 1944.
191 Lancasters, 40 Halifax et 2 Mosquitos larguent 1 700 tonnes de bombes. 5 Lancasters sont perdus. La fumée générée par les explosions gêne considérablement la seconde vague. La ville de Saint-Maximin est sinistrée à plus de 90 %.
La septième attaque composée de 5 Mosquitos et de 61 Lancasters bombardent Trossy-Saint-Maximin le vendredi 4 août 1944. 2 Lancasters sont détruits.
Le huitième et dernier raid vise à nouveau Saint-Leu d’Esserent. En début d’après-midi du samedi 5 août 1944, une armada initiale de 456 appareils de la RAF (441 prendront part au raid, selon certaines sources), comprenant 60 Lancasters, 196 Halifax et 7 Mosquitos, pour la première vague, puis de 189 Lancasters et 6 Mosquitos pour la seconde, larguent environ 2 193 tonnes de bombes.
Un Halifax s’écrase aux environs du Carrefour des Ripailles (au nord de Chantilly), un second Halifax s'écrase lors de son retour en Angleterre. La liste des victimes de la ville s’allonge puisque 3 personnes perdent la vie lors de cette attaque.
Le bombardement du 5 août est le plus important jamais mené sur le département de l’Oise. Les communes de Gouvieux, Lamorlaye, Creil, mais surtout Précy-sur-Oise (12 tués) ne sont pas épargnées.
Début septembre 1944, après la Libération, Saint-Leu-d’Esserent est une ville fantôme. Une grande partie des 1 600 habitants avait évacué suite aux bombardements. La commune est sinistrée à 85%, dont 45% totalement. Hormis le quartier de la mairie miraculeusement épargné, les habitants ne reconnaissent plus leur ville. Ce n’est qu’un spectacle de désolation et de ruines.
Saint-Leu-d'Esserent : le bas de la rue Henri Barbusse Saint-Leu-d'Esserent : Rue Christine
Saint-Leu-d'Esserent : à proximité du Quai d'Amont Saint-Leu-d'Esserent : rue de l'Hôtel-Dieu
L’Eglise, joyau de la cité, a subi de sévères destructions. Des années de travaux seront nécessaires à sa remise en état. Le bétail a été décimé. La route Saint-Leu/Creil n'est plus carrossable et cela pour de longs mois. Aucun train et aucune péniche ne circulent. Le ravitaillement est très difficile, on manque de tout.
Le 20 octobre 1944, la municipalité demande l’adoption de la commune par une ville anglaise ou américaine :
"En raison des dégâts considérables des bombardements… qui ont atteint 85% des habitants, des monuments historiques tels que l’église, une grande partie des terres cultivables et des champignonnières et qui ont paralysé l’industrie locale par la destruction des principaux établissements industriels (Sucrerie, Petit-Thérain, port de déchargement des bateaux)… "
On peut noter que le 28 décembre 1944 : " Le gaz et l’électricité fonctionnent mais les travaux pour amener l’eau sont en cours. Les moyens de transport manquent pour apporter les baraquements pour les sinistrés".
En 1945, Saint-Leu-d’Esserent reste pour de longues années meurtrie par la guerre. Un grand nombre de sinistrés vivent dans des baraques provisoires ou dans des logements à moitié détruits. Le ravitaillement est insuffisant et se chauffer est difficile.
V1 exposé à Paris en 1945
Le 11 novembre 1948, la Croix de guerre 39/45 avec une citation à l’Ordre du Régiment est décernée à la ville de Saint-Leu-d’Esserent.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux vétérans de la RAF et des familles de disparus sont venus en pèlerinage à Saint-Leu-d'Esserent.
Insigne offert en octobre 1983 à la mairie de Saint-Leu-d'Esserent
par le F/L Keith J. Stevens de la Royal Australian Air Force
dont le Lancaster fut abattu dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944.
31 civils, dont 16 Lupoviciennes et Lupoviciens, ont perdu la vie lors des différents bombardements de l'année 1944 sur le territoire de St-Leu. On peut ajouter 15 autres tués des communes voisines, Saint-Maximin, Précy-sur-Oise et Lamorlaye au mois d'août 1944 lorsque la ville de St-Leu était visée.
Le tonnage de bombes tombées du ciel en juillet/août 1944 est estimé à 9 000 tonnes.
Pertes du BOMBER COMMAND lors des raids sur Saint-Leu-d'Esserent et Saint-Maximin durant l’été 1944
Date
|
Type d’avion
|
Serial number |
Squadron
|
Objectif
|
Tués
|
Prisonniers
|
Evadés
|
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
LL785 |
9 |
Saint-Leu |
8 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ME699 |
44 |
Saint-Leu |
6 |
- |
2 |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
PB195 |
49 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
JB486 |
57 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
JB723 |
57 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
EE186 |
61 |
Saint-Leu |
- |
5 |
2 |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ME832 |
106 |
Saint-Leu |
6 |
- |
1 |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ND339 |
106 |
Saint-Leu |
1 |
2 |
4 |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
LM125 |
207 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ND570 |
207 |
Saint-Leu |
6 |
1 |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
HK536 |
463 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ME614 |
463 |
Saint-Leu |
8 |
- |
- |
4-5 juillet 1944 |
Lancaster |
ME867 |
630 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
JA690 |
9 |
Saint-Leu |
1 |
- |
7 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
JA957 |
9 |
Saint-Leu |
6 |
- |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
JB116 |
9 |
Saint-Leu |
4 |
3 |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM631 |
44 |
Saint-Leu |
2 |
- |
5 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME634 |
44 |
Saint-Leu |
2 |
3 |
2 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME859 |
44 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LL976 |
49 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM541 |
49 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
PB207 |
49 |
Saint-Leu |
- |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
DV227 |
50 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
DV363 |
50 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
PA996 |
50 |
Saint-Leu |
6 |
- |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
JB370 |
57 |
Saint-Leu |
- |
3 |
4 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM522 |
57 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME868 |
57 |
Saint-Leu |
3 |
1 |
2 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ND867 |
61 |
Saint-Leu |
5 |
1 |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
R5856 |
61 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ND966 |
83 |
Saint-Leu |
5 |
1 |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
JB641 |
106 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME668 |
106 |
Saint-Leu |
4 |
3 |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME789 |
106 |
Saint-Leu |
- |
6 |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME831 |
106 |
Saint-Leu |
- |
2 |
5 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
PB144 |
106 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM129 |
207 |
Saint-Leu |
3 |
3 |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM218 |
207 |
Saint-Leu |
5 |
- |
2 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME805 |
207 |
Saint-Leu |
- |
2 |
5 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ND567 |
207 |
Saint-Leu |
5 |
1 |
1 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ND866 |
207 |
Saint-Leu |
6 |
1 |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM219 |
467 |
Saint-Leu |
6 |
- |
2 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
LM338 |
467 |
Saint-Leu |
7 |
- |
- |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ME745 |
619 |
Saint-Leu |
2 |
- |
5 |
7-8 juillet 1944 |
Lancaster |
ND688 |
630 |
Saint-Leu |
6 |
1 |
- |
3 août 1944 |
Lancaster |
PA162 |
61 |
Saint-Maximin |
6 |
- |
1 |
3 août 1944 |
Lancaster |
ME839 |
166 |
Saint-Maximin |
5 |
1 |
1 |
3 août 1944 |
Lancaster |
PB125 |
460 |
Saint-Maximin |
7 |
- |
- |
3 août 1944 |
Lancaster |
ME568 |
619 |
Saint-Maximin |
7 |
- |
- |
3 août 1944 |
Lancaster |
LM163 |
625 |
Saint-Maximin |
2 |
4 |
- |
4 août 1944 |
Lancaster |
PA983 |
635 |
Saint-Maximin |
8 |
- |
- |
4 août 1944 |
Lancaster |
ND811 |
635 |
Saint-Maximin |
3 |
- |
4 |
5 août 1944 |
Halifax |
LL594 |
425 |
Saint-Leu |
6 |
1 |
1 |
5 août 1944 |
Halifax |
MZ828 |
433 |
Saint-Leu |
2 |
- |
- |
TOTAL DES PERTES |
54 |
|
|
|
264 |
45 |
62 |
Source : J-P Mathieu