4 août 1944
Squadron Leader Ian Willoughby BAZALGETTE
Victoria Cross, Distinguished Flying Cross
Lancaster Mk III ND811
Squadron 635 - Royal Air Force
Senantes (Oise)
In English
Ian Willoughby Bazalgette était né le 19 octobre 1918 à Calgary, au Canada, de parents anglo-irlandais, troisième enfant d’une famille à la tête d’une exploitation agricole.
Son père qui avait été blessé et gazé lors de la Première Guerre mondiale, en gardait toujours des séquelles. Eprouvant des difficultés à administrer sa ferme, il abandonna finalement son métier.
En juillet 1939, quelques mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Ian W. Bazalgette s’engagea dans la Royal Artillery et se retrouva affecté en Ecosse au 51e Highland Searchlight Regiment, équipé de projecteurs contrôlés par radars.
A partir de juillet 1940, débutait la bataille d’Angleterre. La Luftwaffe du Maréchal Goering tenta d’abord de détruire les convois britanniques dans la Manche puis s’attaqua, en vain, à la Royal Air Force avant de lancer le « Blitz », les bombardement de Londres et d'autres grandes villes britanniques.
En 1941, désirant s’impliquer davantage dans la guerre, Ian W. Bazalgette obtint son transfert dans la Royal Air Force qui avait besoin de pilotes. Au mois de juin, il rejoignait l’Angleterre et la 22 Elementary Flying Training School de Cambridge. Après une dizaine d’heures en double commande, il était lâché pour son premier vol en solo sur Tiger Moth le 3 août 1940.
Au cours de a dernière semaine de septembre, le Squadron était transféré sur la base de Mildenhall.
Le 30 septembre 1942, aux commandes d’un bimoteur Vickers Wellington avec équipage, le Pilot Officer Bazalgette effectua sa première mission au dessus de la Hollande.
A partir de ce moment et jusque la fin de l’année 1942, les missions nocturnes au dessus du territoire ennemi allaient se succéder pour le P/O Bazalgette et les équipages du Squadron 115. Entre temps, en novembre, il fut promu Flying Officer.
En février 1943, un nouvel appareil, le quadrimoteur Lancaster, commençait à remplacer les Wellington du Squadron 115, nécessitant la conversion des pilotes et de leurs équipages.
Sa première mission à bord de ce nouvel appareil comprenant un équipage de sept hommes eut lieu dans la nuit du 22 au 23 mars 1943. Il s’agissaitt de bombarder le port de Saint Nazaire mais les appareils furent rappelés avant d’atteindre l’objectif.
Tout au long de l’année 1943, des raids, auxquels le F/O Bazalgette prenait part, s’intensifiaient sur la Ruhr et les villes allemandes telles, Berlin, Essen, Duisbourg, Dortmund…, villes fortement défendues, occasionnant toujours un taux de pertes élevé parmi les appareils des Forces alliées.
Promu Squadron-Leader et ayant complété son premier tour d’opération, Ian W. Bazalgette se voyait décerner la Distinguished Flying Cross le 1er juillet 1943.
Fin 1943, désormais pilote expérimenté, il fut envoyé comme instructeur en Ecosse avant d’obtenir, après quelques semaines d’entraînement, son transfert au sein de la Pathfinder Force.
Au début de l’année 1944, il fut donc affecté au Squadron 635 basé à Downham Market, dans le Norfolk, dont les Lancaster étaient chargés de marquer, « d’illuminer », les cibles à bombarder.
L’équipage :
S/L Ian W. BAZALGETTE |
RAF |
Pilote |
Sgt George R. TURNER |
RAF |
Flight engineer |
F/L Geoffrey R. GODDARD |
RAF |
Navigateur |
F/L Ivan A. HIBBERT |
RAF |
Bombardier |
F/O Charles R. GODFREY |
RAF |
Opérateur-radio |
F/S Vernon V. R. LEEDER* |
RAAF |
Mitrailleur dorsal |
F/O Douglas CAMERON |
RAF |
Mitrailleur arrière |
* Le F/S Vernon Leeder, de la Royal Australian Air Force, ne faisait pas partie de l’équipage habituel du S/L Bazalgette. Lors de la mission du 4 août 1944, il remplaçait le F/S Hurnhall.
Dix Lancaster du Squadron 635 de la Pathfinder Force étaient désignés pour « marquer » la cible pour une force principale de 61 autres Lancaster de la Royal Air Force. L’objectif : le bombardement des carrières de stockage de fusées V-1 de Trossy-Saint Maximin, (Oise).
Depuis la mi-juin, ces bombes volantes frappaient l’agglomération londonienne et l’Angleterre. Il était donc d’une extrême importance pour le Bomber Command d’anéantir définitivement ce site. Pilonné massivement lors de raids nocturnes depuis le mois de juillet et fortement protégé par la défense antiaérienne et la chasse de nuit allemande, la Royal Air Force y avait déjà perdu nombres de ses bombardiers.
Cette nouvelle mission s’annonçait donc à hauts risques et des plus périlleuses pour les équipages.
Parvenus aux abords de l’objectif, alors que la formation se dirigeait droit vers la cible, la Flak se déchaîna. Les deux appareils qui précédaient le Lancaster du S/L Bazalgette étaient atteints par les tirs venus du sol. L’un d’eux, piloté par le F/L Robert W. Beveridge, plongea vers le sol, en flammes, et s’écrasa près du village de Saint Maximin. Tout l’équipage périt.
C’est au S/L Ian W. Bazalgette que revenait désormais la responsabilité de marquer la cible mais, à son tour, son appareil fut touché par la Flak. Les deux moteurs et les réservoirs d’essence de l’aile droite prirent feu. Les flammes léchèrent le fuselage. Parvenant à maintenir l’appareil en détresse en ligne de vol, le Squadron Leader Bazalgette largua avec précision les marqueurs et les bombes sur l’objectif, permettant aux autres Lancaster de bombarder le site.
Allégé de sa cargaison mais déséquilibré, le quadrimoteur se mit en vrille, perdant rapidement de l’altitude, ravivant le feu qui dévorait l’aile droite. Le sang froid et la maîtrise du S/L Bazalgette lui permirent de rétablir l’appareil.
Les éclats de la Flak avaient aussi frappé la partie frontale du Lancaster, blessant gravement le F/L Hibbert. Le bras droit à demi arraché, il fut extrait de son poste dans un état critique par Turner et Godfrey qui l’emmenèrent vers l’arrière. Allongé sur une civière, on lui injecta de la morphine.
A bord, les membres de l’équipage combattaient les flammes. De la fumée et de l’essence se répandaient à l’intérieur de l’appareil, entraînant l’asphyxie du F/S Leeder.
Volant vers le nord-ouest, il était évident que le Lancaster ne pourrait pas regagner l’Angleterre.
Ayant perdu de l’altitude, ce fut au tour de l’un des moteurs de l’aile gauche de s’arrêter.
En accord avec le Flight Engineer Turner, le S/L Bazalgette ordonna à l’équipage d’évacuer l’avion. C’était le début d’après-midi. Aux environs du village de Senantes, dans l’Oise, Cameron, Turner, Goddard et Godfrey abandonnèrent tour à tour l’appareil d’une altitude de 1 000 mètres.
Conscient que le F/L Hibbert et le F/S Leeder étaient dans l’incapacité de sauter en parachute, le S/L Bazalgette refusa de les abandonner.
Après avoir évité le village de Senantes en effectuant un grand virage, il décida de tenter l’atterrissage du Lancaster en détresse dans un champ. A environ un kilomètre du village, l’appareil se posa parfaitement mais….explosa quelques secondes plus tard. Les trois aviateurs furent tués.
Mr Siméon Desloges, jeune enfant en 1944, se souvient d’avoir observer l’appareil en flammes qui avait évité le village à basse altitude. Puis une grande déflagration avait retenti suivie d’un grand nuage de fumée qui s’élevait dans le ciel.
Dans l’après-midi, les corps du Flight Lieutenant Hibbert et du Flight Sergeant Leeder furnt extraits des débris de l’avion. Ramenés dans l’église de Senantes, il fut décidé de les inhumer avec dignité dans le cimetière du village le dimanche suivant.
Mais dans la matinée de ce dimanche 6 août, tandis que la population s’apprêtait à rendre hommage aux deux aviateurs, les Allemands emmenèrent leurs corps et les inhumèrent dans le cimetière militaire de Beauvais-Marissel.
Les obsèques n’ayant donc pas lieu dans le village, la population de Senantes se rendit sur le site du crash, malgré la crainte de l’arrivée des Allemands, et déposa d’innombrables fleurs en signe de reconnaissance auprès des débris du Lancaster.
Les quatre aviateurs rescapés, recueillis aux alentours, signalèrent bientôt à leurs sauveteurs, malgré la barrière de la langue, qu’ils étaient sept à bord de l’appareil et que le corps du pilote se trouvait certainement encore dans l’épave. Discrètement, les recherches étaient de nouveau entreprises et les restes du S/L Bazalgette furent retrouvés dans les décombres.
Le corps du pilote fut conservé jusqu’à la cérémonie d’inhumation. Elle se déroula à Senantes le dimanche 8 octobre 1944 en présence de sa sœur Ethel, d’autorités militaires britanniques et françaises et d’une foule nombreuse venue rendre hommage à l’aviateur.
En 1945, le S/L Ian W. Bazalgette fut décoré à titre posthume de la Victoria Cross, la plus haute distinction militaire britannique, pour son sacrifice héroïque en ne voulant pas abandonner ses deux camarades blessés restés à bord.
Les quatre survivants avaient échappé aux recherches allemandes et à l’arrestation.
Charles Godfrey et Geoffrey Goddard avaient atterri proche l’un de l’autre, près du village de Senantes. Dans la soirée, ils furent cachés chez l’instituteur du village, Mr Laluet, où on leur fournit des vêtements civils. Avisé, Henri Maigret vint les interroger et les prendre en photos pour permettre l’établissement de leurs faux-papiers d’identité.
Le lendemain, désormais pris en charge par le réseau d’évasion « Alsace », Henri Maigret les emmena dans une charrette chez la famille Desserre, gérants de la ferme de la Boissière, à Blacourt, où ils furent hébergés jusqu’au 20 août, soit une douzaine de jours.
Par sécurité, il fut alors décidé de déplacer les deux aviateurs. Dans une carriole, Henri Maigret se chargea de les transférer, au milieu des troupes allemandes en déroute, à La Neuville-sur-Auneuil, dans la ferme de Pierre Muller.
L’arrivée des troupes alliées était imminente, la Libération approchait. Les fermes de la région regorgeaient d’aviateurs. Nombre d’entre eux étaient hébergés dans les environs et les possibilités d’accueil arrivaient à saturation.
Il fut donc décidé de créer un camp provisoire et de regrouper les aviateurs dans un bois touffu au Saussay, situé près de la commune de Porcheux.
C’est dans ce camp que furent emmenés par Pierre Muller, Charles Godfrey et Geoffrey Goddard, le soir de leur arrivée.
Une colonne blindée britannique les libéra le 30 août.
George Turner avait atterri près du hameau de Bois-Aubert, à quelques centaines de mètres de Senantes. Blessé au dos, il fut recueilli et hébergé chez René Cocu, cultivateur du hameau de Groscourt, où il attendit la Libération.
Après son atterrissage près de Glatigny et ayant fui de justesse les Allemands, Douglas Cameron fut hébergé par la famille Anse à Glatigny et la famille Roisse à Hanvoile. Il choisit ensuite de participer, avec la Résistance locale, à différentes actions de sabotage contre l’ennemi jusqu’à la Libération.
Charles Godfrey et George Turner étaient revenus à plusieurs reprises après la guerre afin de remercier leurs sauveteurs. Ils étaient aussi présents le 4 août 1994, accompagnés de la fille de Douglas Cameron, lors de la cérémonie d’inauguration de la stèle érigée sur le lieu du crash en mémoire de leurs camarades disparus cinquante ans plus tôt.
Le 27 juillet 1990, au Bomber Command Museum of Canada de Nanton, situé au sud de Calgary dans l’Alberta, avait lieu une cérémonie en mémoire du Squadron Leader Ian Willoughby Bazalgette. A cette occasion, sa sœur Ethel, George Turner et Charles Godfrey dévoilèrent une plaque en l’honneur du pilote et un Lancaster portant les mêmes marquages de celui qu’il pilotait lors de la tragique mission du 4 août 1944, devenant ainsi le Ian Bazalgette Memorial Lancaster.
Le 15 août 2009, au musée de Nanton, était signé par leurs maires respectifs, l’acte de jumelage unissant le village de Senantes et la ville canadienne en mémoire du courage et du sacrifice du S/L Bazalgette.
Le 27 juin 2014, à Senantes, cet acte était contresigné par les représentants des deux communes à l'occasion d'une journée commémorative.
"Baz", le livre retraçant l'histoire du S/L Bazalgette, par Dave Birrell.