NOVEMBRE 2012
Sains-Morainvillers (Oise) – Welles-Pérennes (Oise)
Caix (Somme) – Le Mesnil-Saint-Firmin (Oise)
L'aviateur américain Warren A. THOMPSON
revenu en héros
En octobre 2012, j'ai pu, avec chance, retrouver aux Etats-Unis, la trace du Lt Warren A. Thompson , pilote de bombardier américain. D'abord surpris mais tellement ravi d'être contacté par un inconnu qui soudainement, en France, s'intéressait à son aventure, il accepta d'évoquer ses souvenirs. Je découvrais alors quel fut son terrible parcours. Trois jours plus tard........, le vétéran américain, âgé de 88 ans, décidait de traverser l'Atlantique et de nous rendre visite, accompagné de membres de sa famille.
Nous allions pouvoir rencontrer ce héros !!
Le séjour de Warren A. Thompson débute par la visite du château de la Borde. Dès son arrivée, ses yeux s'illuminent. Profondément ému, le pilote reconnaît immédiatement l'endroit où il avait séjourné environ six semaines en 1944.
Anciens-combattants, amis et journalistes sont présents, des véhicules militaires d'époque aussi. Une haie de porte-drapeaux rend les honneurs au vétéran puis l'assistance est invitée à pénétrer à l'intérieur du château.
Les présentations terminées, Philippe de Baynast débute son discours de bienvenue suivi de la lecture d'une lettre écrite en août 1945 par son père Jacques aux parents du pilote, témoignant de toute l'affection qu'il portait alors au jeune aviateur qu'il considérait comme un fils.
Toute l'assemblée est ensuite conviée devant la plaque apposée près du portail du château afin de rendre hommage à Jacques et Colette de Baynast et à ce haut-lieu de la Résistance.
La visite de la grange, 68 ans après, ravive les souvenirs de Warren A. Thompson. Il reconnait la petite chapelle privée située à l'étage, se précipite devant l'autel et, les larmes dans les yeux, s'agenouille avec émotion sur un prie-Dieu. Dans cette chapelle, des portraits de Jacques et de Colette de Baynast rappellent à l'aviateur les visages de ceux qui lui sauvèrent la vie.
La grange. A gauche, l'une des pièces où fut caché le Lt Thompson
Dans la seconde partie de la grange, à l'étage, après être passé d'une pièce à l'autre, l'aviateur retrouve finalement sa "chambre" où il restait caché des journées entières. Il se souvient que tous les matins une jeune employée du château lui apportait son petit-déjeuner sur le balcon.
C'est ensuite le retour au château où nous attend le verre de l'amitié.
Au nom de l'ASAA est offert à Warren A. Thompson une vue aériennne de Caix, le village où son appareil s'était écrasé.
C'est le moment également où beaucoup de souvenirs sont évoqués. Agé de 11 ans en 1944 et tenu dans l'ignorance, comme ses frères et sœurs, de l'activité clandestine de ses parents, Philippe de Baynast se souvient malgré tout de "ces ombres perchées dans le cerisier" des "morceaux de tartes qui disparaissaient mystérieusement" ou bien des "bruits de pas à l'étage".
Ce pèlerinage au château de la Borde fut un moment particulièrement exceptionnel lors du séjour de Warren A. Thompson. Y ayant séjourné plusieurs semaines, ce lieu était toujours resté gravé dans sa mémoire. Il n'avait jamais oublié la famille de Baynast qui avait pris tant de risques pour le protéger. Il tenait à les remercier personnellement du fond du cœur et à leur exprimer toute sa profonde reconnaissance.
Samedi 10 novembre
Warren A. Thompson et sa famille sont accueillis à Welles-Pérennes par Mr Pamart, maire du village, et son équipe municipale. Nous nous rendons dans la petite salle communale où a été préparée une exposition consacrée à l'histoire du village lors des deux conflits mondiaux.
Divers matériels et panneaux rappelant la Première Guerre mondiale dans le village et dans la région, notamment les combats de la bataille du Matz, sont présentés par l'Association "Juin 1918, Mémoires des Chars".
Pour la Seconde Guerre mondiale, l'exposition concerne l'aide apportée par la population locale aux aviateurs américains de la Forteresse volante tombée le 8 février 1944 à Le Cardonnois, à Claire Girard, cette habitante qui fut plus tard assassinée par les Allemands, à l'assistance apportée en août 1944 au résistant Pierre-Henri Teitgen suite à son évasion du train qui le menait en déportation et bien sûr à l'aventure de Warren A. Thompson qui fut hébergé par la famille Bauduin à Pérennes puis dans les villages environnants.
L'assistance est nombreuse. Accueilli en héros, Warren A. Thompson est évidemment très sollicité. Les élus ont répondu à l'invitation en tenant à honorer le pilote de leurs présences. Venue tout spécialement de Paris, Mme Claire Andrieu, nièce de Claire Girard, est également présente.
Devant la bannière étoilée, la cérémonie officielle débute par le discours de Mr Pamart qui retrace l'épopée du Lt Thompson. Un silence emprunt d'émotion et de respect parcourt l'assistance à l'énoncé de l'aventure du pilote qui, après avoir frôlé la mort à bord de son appareil, l'avait frôlée également après son arrestation, son emprisonnement et sa déportation.
Le petit-fils du Lt Thompson évoque le parcours de son grand-père.
La parole est ensuite prise par le petit-fils du Lt Thompson puis par Mme Andrieu qui souligne notamment le rôle important des habitants de notre département dans l'aide apportée aux aviateurs alliés.
Quant à Mr Olivier Dassault, député de l'Oise, il prononce son discours en anglais, remerciant à travers la présence du Lt Thompson, tous les aviateurs américains de la Seconde Guerre mondiale et en rappelant la grande amitié qui unit les Etats-Unis et la France. Il souligne également le parallèle existant entre l'histoire de Warren A. Thompson et l'histoire de sa propre famille puisque son grand-père avait également été déporté dans le camp de concentration de Buchenwald.
Puis ce fut le verre de l'amitié partagé avec toute l'assistance. Warren A. Thompson, si chaleureux et si simple, se rend disponible afin de répondre aux nombreuses sollicitations et photos-souvenirs.
Une belle journée d'hommage dans ce petit village où la venue du vétéran américain restera gravée dans les mémoires.
Dimanche 11 novembre
A l'issue de la cérémonie au monument aux morts de Welles-Pérennes, nous nous rendons à Montdidier où nous effectuons un arrêt à la gare.
Le Lt Thompson se précipite immédiatement dans la grande bâtisse où il avait tenté de prendre le train en 1944. La salle d'attente s'est depuis modernisée mais une fois sur le quai, il reconnaît immédiatement le petit escalier menant vers l'abri dans lequel il s'était réfugié lors de l'attaque de la gare. L'employée nous propose gentiment d'ouvrir la porte de l'abri. Divisé en deux parties, il est resté inchangé.
Nous prenons ensuite la direction de Caix où nous sommes attendus pour la cérémonie du 11 novembre volontairement décalée en raison de la venue du Lt Thompson. Au pied de l'église et avec humour, le pilote nous confie que la dernière fois qu'il l'avait vue, elle lui semblait beaucoup plus petite tandis qu'il était suspendu à son parachute. Arrivés sur la place, Warren A. Thompson et sa famille sont accueillis par les autorités sous les applaudissements de la foule très honorée d'accueillir le vétéran.
La cérémonie au monument aux morts se déroule selon la tradition par la très longue énumération des soldats du village tombés pour la France et la remise de décorations aux porte-drapeaux. La Star-Spangled Banner suivie de La Marseillaise sont jouées par la fanfare des Amis Réunis de Rosières-en-Santerre. A l'issue de la cérémonie, toute l'assistance est invitée à rejoindre la salle communale.
Face à cette salle, se trouve la maison sur laquelle le Douglas "Havoc", brisé en deux et en flammes, s'était écrasé. Le 27 mai 1944, ayant atterri dans la plaine toute proche, le Lt Thompson avait observé avec effroi son avion tomber au cœur du village. Un an plus tard, il sera soulagé d'apprendre qu'il n'y eut aucune victime civile. Seule une femme avait été légèrement brûlée. Des témoins du crash sont présents pour raconter leurs souvenirs.
A l'entrée de la salle des fêtes, des véhicules militaires américains d'époque forment une haie d'honneur. Tout a été préparé en l'honneur de la venue du pilote. Une exposition, à base de documents, photos et témoignages, retrace l'histoire de la commune pendant l'Occupation jusqu'à la Libération.
Mr Mannens, maire de Caix, prononce son discours et exprime, au nom de ses habitants, sa grande fierté d'accueillir Warren A. Thompson et sa famille puis fait un rappel historique de son aventure. Présente, Mme Suzette Henry, qui hébergea le mitrailleur Jones à Harbonnières, est saluée et remerciée. Mme Maille, Conseillère Générale suppléante, se charge des traductions puis décerne au pilote la Médaille du Conseil Général de la Somme.
Arrive ensuite un moment hautement symbolique puisque Warren A. Thompson, très touché et ému, se voit offrir un gant retrouvé à l'époque dans les débris de l'avion et qui avait été conservé depuis.
L'Association Somme-Aviation 39-45 par l'entremise de son Président Pierre Ben, offre en souvenir au pilote une composition représentant le profil de son Douglas "Havoc". Warren A. Thompson, très ému, remercie en quelques mots la municipalité et toutes les personnes présentes pour l'accueil chaleureux fait en son honneur. La soirée se termine autour du verre de l'amitié.
Lundi 12 novembre
Au cours de l'après-midi, nous nous rendons à Mesnil-Saint-Firmin.
Cette visite revêt un aspect particulier puisque c'est dans ce village que Warren A. Thompson avait été fait prisonnier par les Allemands à la mi-juillet 1944. Nous sommes accueillis par le maire, Mr Duflos, accompagné d'une délégation d'anciens du village. Immédiatement et sans indication de notre part, le pilote reconnaît l'école et la maison attenante où Mme Suzanne Cauvel, l'institutrice, l'avait hébergé. Il se souvient du portail, à l'époque en bois, et des arbres, aujourd'hui disparus, qui bordaient la place.
Warren A. Thompson affirme qu'il se trouvait seul dans la maison lors de sa capture. Les Allemands avaient commencé à l'interroger, mains en l'air, dans la rue. Des religieuses de la Communauté voisine furent appelées pour aider à la traduction.
Avisée par le boulanger de la présence de soldats allemands, Suzanne Cauvel avait échappé de justesse à l'arrestation. Elle dut fuir jusqu'à la Libération. Selon les témoins, seul le maire fut emmené pour interrogatoire mais fut vite relâché.
La visite de Warren A. Thompson dans notre région prenait fin. Le lendemain, il partait visiter Paris avec sa famille pendant quelques jours avant de regagner les Etats-Unis.
" Thank you M. Warren A. Thompson !! "