30 septembre 2023
Hommage à la famille Eckert
Noailles (Oise)
En cette journée de septembre, sous un beau soleil et une chaleur estivale, un hommage a été rendu pour saluer la mémoire de M. Robert Eckert, de Marthe, sa femme, et de sa famille.
En effet, au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette famille prit d’énormes risques en hébergeant, pendant des périodes plus ou moins longues, de nombreux aviateurs alliés recherchés par l’ennemi. Il était donc important pour notre Association de rappeler leur engagement et leur courage face à l’occupant nazi et au régime de Vichy. Leur ferme, sise rue Mignon, servit de refuge pour de nombreux aviateurs alliés qui combattaient, souvent au prix du plus grand sacrifice, pour le retour de la Liberté dans notre pays.
Robert Eckert
Yvette Eckert, fille aînée de Robert et Marthe Eckert nous a fait le grand honneur de sa présence malgré son grand âge. Elle avait 10 ans à l’époque et garde toujours aujourd’hui en mémoire le souvenir de ces intrépides aviateurs recueillis par ses parents.
Au cours de cette belle journée, il était également formidable de compter parmi nous Glenda Gray et Jane Cooper. Leurs grands-pères, les 2nd Lt Glenn Camp et 2nd Lt Jarvis Cooper, pilote et navigateur au sein du même équipage, firent partie des aviateurs américains hébergés par la famille Eckert pendant plus d’un mois, de fin janvier à début mars 1944. Leur destin fut lié jusqu’à la fin de la guerre. Il était tout à fait exceptionnel de voir leurs deux petites-filles réunies pour la toute première fois au cours de cette journée d’hommage.
Glenda Gray et Jane Cooper
Des membres de l’Association N’Oublie Pas 44 venus avec leurs Jeeps d’époque étaient présents tout comme d’autres de l’Association Jericho 44.
La première partie de la cérémonie a donc débuté dans la cour de la ferme par la présentation des personnes présentes.
Puis l’ensemble de l’assistance s’est dirigé dans la rue afin de procéder au dévoilement de la plaque apposée sur le porche de la ferme, pavoisé pour l’occasion des drapeaux britannique français, et américain.
C’est à Jane, Glenda et Yvette, particulièrement submergée par l’émotion, qu’est revenu l’honneur de faire apparaître la plaque commémorative.
qui combattaient au sein d’unités intégrées dans la Royal Air Force.
18 noms d’aviateurs sont gravés sur la plaque mais davantage ont été hébergés chez la famille Eckert mais nous ignorons leurs noms, certains ne séjournant parfois que quelques heures.
L’assistance a ensuite été conviée à regagner la cour de la ferme pour la suite des discours.
Le rôle exemplaire de Robert Eckert et de sa famille qui hébergèrent tant d’aviateurs alliés a été longuement évoqué.
Robert Eckert avait été fait prisonnier au cours de la Campagne de France en 1940. En 1942, les Allemands décidèrent de libérer ceux qui appartenaient au Services de Santé. Robert Eckert se fit passer pour tel puis, démobilisé quelques temps après, il rentra chez lui à Noailles.
C’était la sombre période de l’Occupation. L’ennemi était omniprésent dans le bourg de Noailles. Robert Eckert, homme tranquille et discret à la silhouette robuste, avait été désigné délégué communal agricole. Toutes les semaines, un officier allemand venait à la ferme pour le rencontrer et s’occuper des réquisitions et prélèvements opérés chez les différents fermiers du secteur.
Le premier aviateur recueilli arriva un soir d’août 1943 avec André Buchon, le beau-frère de Robert Eckert. Ils étaient venus à vélo depuis Rumaisnil, dans la Somme. Cet aviateur s’avérait être le F/Sgt Ronald Dench, un pilote de chasse de la Royal Air Force. Il fut hébergé pendant environ deux mois chez la famille Eckert avant de poursuivre son évasion, parvenant à regagner l’Angleterre, via l’Espagne, en novembre 1943.
Robert Eckert, Ronald Dench et André Buchon.
Dès lors, Robert Eckert, sa femme et ses deux filles étaient plongés dans le grand bain de l’action clandestine et étaient affiliés à l’« Armée Secrète ». Un très jeune garçon d’origine juive leur fut aussi confié pendant toute la durée de la guerre afin de le protéger des persécutions.
Cette ferme de la famille Eckert va devenir un important maillon de la filière d’évasion Alsace créée dans l’Oise par Gilbert Thibault. De nombreux aviateurs tombés du ciel leur furent confiés. La ferme devint un refuge en attendant la poursuite de leur évasion sur le long chemin vers la Liberté. En ces temps de restrictions et de pénuries, il fallait trouver le moyen de les nourrir, de les vêtir, de leur trouver du tabac, de leur procurer de faux papiers d’identité et de faux certificats de travail. Les risques étaient énormes. La moindre imprudence pouvait s’avérer fatale. Les Allemands promettaient des récompenses à toute personne qui dénonçait la présence d’aviateurs.
Leurs protégés devaient rester confinés toute la journée et ne sortaient que le soir pour prendre un peu l’air. En attendant que la suite de leur évasion s’organise, ils occupaient leurs longues journées en jouant aux cartes avec les deux petites filles de la maison. Yvette se souvient particulièrement du 2nd Lt Jarvis Cooper à qui elle essayait d’apprendre quelques mots de français.
Les aviateurs arrivaient et repartaient souvent avec Pierre Chardeaux, membre du réseau Alsace, un vétérinaire de Beauvais qui possédait un laissez-passer ou bien avec Gilbert Thibault. Les départs s’effectuaient par groupes de 4 ou 5. C’était alors le moment des adieux et des remerciements en se promettant de se revoir après la Victoire. Tout se passait très vite, en moins de 10 minutes, de peur d’être pistés. Généralement les aviateurs gagnaient le secteur de Beauvais-Auneuil avant d’être convoyés à Paris. Remis ensuite à d’autres filières d’évasion, telles Comète, Bourgogne ou Shelburn, la plupart parvenaient à rejoindre l’Angleterre, via l’Espagne ou la Bretagne. D’autres furent malheureusement fait prisonniers dans les semaines qui suivirent.
Après quatre ans d’Occupation, l’heure de la Libération arriva. Dans l’immédiate après-guerre, Robert Eckert et sa famille, pour leur courageuse contribution et leur dévouement envers la cause alliée, furent justement reconnus par les gouvernements britannique, américain et français. Certains aviateurs leur rendirent visite au fil des années afin de les remercier personnellement.
Robert Eckert fut, pendant de longues années, le porte-drapeau de la section des anciens combattants de Noailles. Il est décédé en mars 1991, un an après sa femme.
La parole a ensuite été donnée à Glenda Gray, très honorée de rendre hommage à la famille Eckert en mémoire de sa bravoure, du sacrifice et de l’attention dont elle a fait preuve en hébergeant des aviateurs alliés.
A l'époque il y avait une petite fille qui s’était particulièrement liée d’amitié avec mon grand-père. Yvette Eckert, qui est parmi nous aujourd'hui, nous a parlé, à ma mère et moi, de ses souvenirs avec Glenn et du fait qu'il lui avait appris à jouer aux cartes. Quelque chose de si doux et de si normal au milieu d’une telle horreur nous a mis les larmes aux yeux lorsque nous en avons parlé. La famille Eckert a fait tout cela, sachant que cela signifiait une mort certaine aux mains des Nazis s’ils étaient surpris en train d’aider des aviateurs alliés. J’y pense souvent et j’aime penser que j’aurais été aussi courageuse et altruiste, mais on ne le sait jamais tant qu’on n’est pas dans cette situation ».
Très émue de se trouver à l’endroit même où son grand-père avait été caché, Jane Cooper a remercié la famille Eckert.
Quand je regarde le visage de mon petit garçon de deux ans, je vois mon grand-père. J’ai hâte de partager avec lui l’histoire de son arrière-grand-père, de revenir ici et lui inculquer les leçons de courage, de compassion et d’engagement que chacun ici incarne ».
De retour de captivité, en 1945, le 2nd Lt Jarvis H. Cooper entouré de la famille Eckert.
La parole est ensuite donnée à Gérard Eckert qui a remercié les personnes présentes venues honorer l’engagement de ses parents au cours de la Seconde Guerre mondiale.
« …La plaque commémorative représentera pour toujours une partie de l’histoire de Noailles sur le lieu où de nombreux aviateurs alliés, venus pour libérer la France, furent hébergés par mes parents d’août 1943 jusqu’à la Libération. En mon nom et au nom de tous les descendants, nous sommes très reconnaissants. Les personnes disparaissent mais la mémoire demeure ».
S’ensuivirent les hymnes nationaux.
Cette belle journée d’hommage s’est terminée par le partage du verre de l’amitié.
Jane et Glenda entourées de la famille Eckert
Glenda Gray, Jean-Marc Sauvage, Jane Cooper et Mickaël Eckert.