8 juillet 1944
Boeing B-17G # 43-37747
452nd Bomb Group
729th Bomb Squadron
8th Air Force
Boubiers (Oise)
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In English
Le Débarquement des troupes anglo-canadiennes et américaines s'était déroulé depuis le 6 juin mais la bataille faisait toujours rage en Normandie. L’offensive aérienne stratégique alliée se poursuivait et s’intensifiait quotidiennement, de jour comme de nuit, dans le ciel de France et de l’Ouest de l’Europe.
En ce 8 juillet 1944, la cible prioritaire définie par le 8e Bomber Command américain était le bombardement de la gare de triage de Rouen. Les Boeing B-17 « Forteresses volantes » du 452nd Bomb Group, basé à Deopham Green, furent désignés pour participer, parmi d’autres, à ce raid.
Au cours du briefing, les jeunes équipages prirent connaissance de l’objectif. A leur grand soulagement, il se situait proche des côtes de France. A priori, cette mission ne s’annonçait pas comme la plus difficile, contrairement aux jours précédents où ils avaient dû pénétrer profondément au dessus du territoire du Reich.
Tôt dans la matinée, chargés chacun de leur deux tonnes de bombes, les appareils décollaient un à un puis s’assemblaient en formation au dessus de l’Angleterre avant de mettre le cap vers la France.
Parmi ces équipages se trouvait celui du B-17 # 43-37747 :
1st Lt Everett G. HANSON Jr | Pilote | 20 ans | Mort au combat | East Blackstone, Massachusetts |
2nd Lt James H. HEINZEN | Copilote | 26 ans | Mort au combat | Wayzata, Minnesota |
2nd Lt Leonard S. MARCUS | Navigateur | 26 ans | Mort au combat | Worcester, Massachusetts |
1st Lt Donald J. LYMA | Bombardier | 19 ans | Mort au combat | Sacramento, Californie |
T/Sgt George I. GRISSOM | Mitrailleur supérieur | 20 ans | Mort au combat | Hammond, Indiana |
T/Sgt Chester L. POOL | Opérateur-radio | 20 ans | Mort au combat | Oklahoma City, Oklahoma |
S/Sgt Lloyd P. POHRTE | Mitrailleur ventral | 19 ans | Mort au combat | Berwyn, Illinois |
S/Sgt Russell D. JONES | Mitrailleur latéral droit | 21 ans | Mort au combat | Baltimore, Maryland |
S/Sgt Arthur SCHULZE | Mitrailleur latéral gauche | 25 ans | Prisonnier | Chicago, Illinois |
S/Sgt Van J. McMANUS | Mitrailleur arrière | 19 ans | Mort au combat | York, Caroline du Sud |
S/Sgt Russell D. JONES S/Sgt Arthur SCHULZE S/Sgt Van J. McMANUS
Aux commandes de l’appareil, le 1st Lt Everett G. Hanson Jr était un pilote expérimenté malgré son jeune âge. C’était sa 32e mission, comme pour la plupart des membres de son équipage.
Stationné en Angleterre depuis le mois de mai, cet équipage était désormais très soudé et aguerri. Chacun éprouvait une totale confiance envers l’autre.
Ce 8 juillet revêtait un aspect particulier pour le 1st Lt Hanson : c’était son vingtième anniversaire. Si la mission venait à se dérouler parfaitement, il le fêterait au mess du Squadron avec les membres de son équipage après le retour à la base. Il ne leur resterait alors plus que trois missions à effectuer avant de pouvoir enfin rentrer au pays et retrouver leurs proches.
Les formations de bombardiers survolaient maintenant la Manche. La météo se dégradait progressivement. Des couches nuageuses obligeaient les appareils à perdre de l’altitude entraînant une certaine désorganisation au sein des formations.
Dès le franchissement de la côte française, la Flak, la défense antiaérienne allemande, se déchaîna, tentant d’abattre les appareils qui s’alignaient pour la phase finale d’approche.
Il n’était plus question de dévier de la trajectoire. Malgré les éclatements des obus de gros calibre de la Flak qui entouraient et frappaient les appareils, il fallait maintenir le cap, droit vers l’objectif.
Parvenus au dessus de la cible, à haute altitude, celle-ci était masquée par les nuages. Le bombardement s’avèra impossible.
Certains appareils, dont celui piloté par le 1st Lt Hanson, mirent alors le cap au sud-est en direction de Mantes-la-Jolie. C’était l’un des secteurs secondaires à bombarder tel qu’il avait été défini lors du briefing.
Les ponts enjambant la Seine et les installations ferroviaires de la ville étaient des cibles potentielles. Il fallait à tout prix désorganiser l’ennemi qui tentait d’envoyer des renforts vers le front de Normandie.
A quelques kilomètres plus au nord, les carrières souterraines de Nucourt, connues pour abriter un centre de stockage de bombes volantes V1, étaient aussi une cible à détruire. Depuis la mi-juin, ces armes secrètes à fort pouvoir de destruction frappaient l’agglomération londonienne où elles semaient la terreur.
Ces secteurs de Mantes-la-Jolie et de Nucourt étaient fortement protégés par une ceinture de canons antiaériens qui ouvraient le feu à l’approche des bombardiers. L’enfer se déchaîna à nouveau.
Selon les témoignages d’autres pilotes du Groupe, le B-17 piloté par le 1st Lt Hanson fut frappé de plein fouet par un tir direct de l’artillerie antiaérienne dans le secteur de Nucourt. L’appareil fut littéralement brisé en deux parties, entraînant immédiatement dans la mort neuf de ses dix membres d’équipage.
Miraculeusement, seul le S/Sgt Arthur Schulze parvint à s’extraire de l’appareil. Actionnant son parachute, il atterrit à proximité du terrain allemand de Boissy-le-Bois où stationnaient les redoutables chasseurs de la JG 26. Le S/Sgt Schulze fut rapidement fait prisonnier et fut transféré par la suite au Stalag Luft IV en Poméranie jusqu’à la fin de la guerre.
La Forteresse volante, totalement disloquée et en partie en flammes, vint s’abattre aux abords du village de Boubiers.
Le site du crash
Les corps des neuf aviateurs furent extraits des débris de l’appareil. Certains d’entre eux furent identifiés grâce à leurs plaques d'identité. Au poignet du S/Sgt Jones fut retrouvé un bracelet avec l'inscription "Hands-off, this guy is mine - Sara"* suivie de son nom et de son matricule militaire.
*"Bas les pattes, ce gars est à moi - Sara"
Deux jours plus tard, le 10 juillet, la population assistait avec un profond sentiment de respect à l’inhumation, dans le cimetière du village, des neuf aviateurs. Ils y reposèrent jusqu’à la fin de la guerre.
L'église de Boubiers et le lieu où furent inhumés les corps des neuf aviateurs jusqu'à la fin de la guerre.
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, les parents et les épouses des aviateurs ignoraient encore tout de la tragédie mais l’inquiétude et l’angoisse grandissaient au fil des jours. Ils étaient sans nouvelles.
A la fin du mois de juillet, chacune des familles reçut le télégramme tant redouté envoyé par le Commandement. Il leur annonçait que leurs fils ou leur mari avait été porté disparu depuis le 8 juillet, sans davantage d’informations. Un infime espoir subsistait malgré tout. Toutes les familles se raccrochaient à l’idée qu’ils avaient peut-être été recueillis par la population et qu’ils étaient sur les chemins de l’évasion…
Cet espoir fut totalement anéanti plusieurs mois plus tard. C’est au cours du mois d’avril 1945 qu’un nouveau télégramme les avisa officiellement de la mort au combat des neuf aviateurs.
Le télégramme tragique annonçant à ses parents la mort au combat du 1st Lt Donald J. Lyma
Par les services de la Croix-Rouge, la famille Schulze prit bientôt connaissance que leur fils était maintenant prisonnier de guerre.
L’Armée américaine libéra la région le 30 août.
Les corps des neuf aviateurs furent exhumés et formellement identifiés dans les mois qui suivirent par la Commission américaine des sépultures. Ils furent ensuite transférés dans des cimetières militaires provisoires, notamment à Solers, en Seine-et-Marne, en ce qui concerne le 1st Lt Lyma et le S/Sgt McManus.
A la demande de leurs familles, les corps des Lt Hanson et Heinzen ainsi que des Sergents Grissom et Pool furent rapatriés aux Etats-Unis.
Les Lt Marcus et Lyma ainsi que le S/Sgt Pohrte reposent en France dans le cimetière militaire américain de Saint Avold, en Moselle.
Le S/Sgt McManus repose dans le cimetière militaire américain d’Epinal, dans les Vosges, et le S/Sgt Jones dans celui de Neupré, en Belgique.
Au cours de sa captivité, Arthur Schulze souffrit énormément, comme tant d’autres, des privations mais aussi du froid terrible de l’hiver 1944/45. Après plusieurs tentatives, il parvint à s’évader au printemps 1945 et à rejoindre les troupes britanniques qui se rapprochaient.
Arthur Schulze resta marqué toute sa vie par la terrible tragédie vécue le 8 juillet 1944. Il décéda le 20 janvier 2009, à l’âge de 89 ans.
Arthur Schulze après guerre
en 1943.
en octobre 1943
Le 8 mai 2015, une cérémonie a été organisée en mémoire de l'équipage.
Sources : Archives américaines, familles des membres de l'équipage, municipalité de Boubiers.
Avec un remerciement spécial à Mme Janice Kidwell.