30 et 31 juillet 2023
Beauvais et Léglantiers (Oise)
Visite de Rosalind Brice, fille du F/S Colin A. ALT,
pilote ausralien du Vickers Wellington Mk II du Squadron 12 de la RAF
tombé dans la nuit du 2 au 3 septembre 1942
Les 30 et 31 juillet, nous avons reçu Rosalind Brice et son mari Garth en provenance de Canberra (Australie). Etaient également présents leur cousin David accompagné de sa femme Dorothy (de Sydney).
Rosalind Brice est la fille du Flight/Sergeant Colin A. Alt, pilote australien du Vickers Wellington du Squadron 12 de la Royal Air Force tombé sur le territoire de la commune de Léglantiers dans la nuit du 2 au 3 septembre 1942. Il effectuait sa 13e mission.
L’équipage du Wellington # Z8529 PHU:
F/S Colin. A. ALT |
Pilote |
Australien |
Sgt William B. HOLLAND |
Navigateur |
Britannique |
Sgt John. I. M. LOGAN |
Observateur/bombardier |
Rhodésien |
F/S Francis E. MONCKTON |
Opérateur-radio |
Australien |
Sgt John. J. FOLEY |
Mitrailleur arrière |
Britannique |
Mission et destin de l'équipage :
Cette nuit-là, leur objectif, désigné par le Bomber Command, était la ville de Karlsruhe, en Allemagne, plaque tournante du trafic ferroviaire et un port important sur la rive orientale du Rhin.
Au retour de la mission, l'appareil fut attaqué par un chasseur de nuit allemand. Parvenu à échapper à l'ennemi et volant à basse altitude, une hélice du Wellington fut endommagée lorsqu'elle toucha la cime des arbres, le F/S Alt décida alors de poser en catastrophe son bombardier dans un champ (à proximité du bois de Léglantiers). L’appareil glissa au sol et la partie frontale vint se fracasser dans des arbres en lisière du champ. Le pilote perdit momentanément connaissance lors de l’impact. Après avoir repris conscience, il parvint à s’extraire du cockpit et découvrit le corps sans vie du F/S Francis Monckton enchevêtré dans la carcasse de l’avion. Il avait été tué sur le coup. Le Sgt John Logan survécut au crash. Il était conscient mais avait une jambe immobilisée à l’intérieur de sa tourelle. Le pilote, toujours dans un état second, tenta de le dégager mais ses efforts furent vains. William Holland, malgré une clavicule cassée, et John Foley parvinrent à s’extraire de la partie arrière de l’appareil et rejoignirent Colin Alt. L’appareil était sur le point de s’embraser. Les trois aviateurs n’eurent d’autres choix que de s’en éloigner et se dissimulèrent dans un renfoncement du bois. John Logan, âgé de 19 ans, trouva alors une mort horrible au milieu des flammes.
Livrés à eux-mêmes pendant plusieurs jours sans bénéficier d’une aide significative, les trois évadés tentèrent de se diriger vers le sud.
Le 10 septembre, parvenus dans le secteur de Sainte-Geneviève (à environ 40 km du lieu du crash), ils arrivèrent près d’une grange et décidèrent d’y passer la nuit. Environ 30 minutes plus tard, ils entendirent l’arrivée d’un camion. Six soldats allemands accompagnés d’un officier commencèrent à fouiller la grange. Les trois aviateurs furent découverts et capturés.
D'abord incarcérés sur une base aérienne (certainement celle de Beauvais-Tillé) puis à la caserne Agel, les trois aviateurs furent transférés à Paris. En octobre 1942, Colin Alt, William Holland et John Foley furent envoyés au Stalag VIII B (redésigné Stalag 344 en novembre 1943) près de Lamsdorf, (de nos jours Lambinowice, en Pologne). Fin janvier, début février 1945, en raison de l’avancée des troupes soviétiques, ils furent déplacés vers l’ouest, en Allemagne, d’abord au Stalag VIII A de Görlitz, puis au Stalag XI B de Fallingbostel où ils furent finalement libérés par l’Armée britannique le 16 avril 1945 après deux ans et demi de captivité.
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A l'occasion d'un voyage en Europe, Rosalind et sa famille désiraient se rendre sur les lieux où son père était passé en 1942.
Leur visite a débuté dans le quartier Saint-Jean de Beauvais, à l'emplacement de l'ancienne caserne Agel où son père et ses deux compagnons d’équipage furent temporairement détenus après leur capture et avant leur transfert vers Paris. En raison d’un projet urbain de rénovation, cette caserne a été détruite à partir de 2003. Subsiste uniquement aujourd’hui une stèle en briques issues de la caserne, rappelant qu’elle était un lieu d’internement et de transit vers les camps de concentration pour de nombreux résistants.
Le lendemain, 31 juillet, à la nécropole nationale de Beauvais-Marissel, un hommage émouvant a été rendu aux deux membres de l’équipage qui ont péri : le F/S Francis E. Monckton (Australien) et le Sgt John. I. M. Logan (Rhodésien).
Au nom de son père, Rosalind prononça quelques mots : « Excusez-moi de ne pas vous avoir ramenés à la base - ceci relève de ma responsabilité et uniquement de la mienne….Je ne vous ai jamais oubliés et votre souvenir m’a habité depuis… Je vous demande pardon et j’exprime l’espoir que la vie dans l’au-delà (telle que je crois qu’elle existe) a été à votre avantage… »
Main sur le cœur, Rosalind, par une prière, a ensuite remercié Dieu pour le sacrifice fait pour leur pays et pour la paix qui a suivi. Une minute de silence a été observée puis des roses ont été placées devant chacune de leurs tombes.
La prochaine étape de la visite était le village de Léglantiers. Au pied de l’église, les descendants du pilote ont pu y rencontrer M. Charles Beaufrère, certainement l’un des derniers témoins se rappelant de l’avion abattu. Devant nos amis australiens très reconnaissants, il a évoqué ses souvenirs :
« J’avais 11 ans à ce moment-là. Nous habitions à La Neuville-Roy, un village voisin. Mon père était un passionné d’aviation. Il avait appris qu’un bombardier s’était écrasé près du bois de Léglantiers alors, dans les jours qui ont suivi, il m’a emmené avec lui pour voir l’épave. Je me souviens d’une partie du fuselage dans le champ mais je ne me rappelle pas avoir vu les ailes ni les moteurs. Les Allemands avaient déjà dû en retirer une partie lorsque nous sommes venus… »
Puis, nous avons pris la direction du lieu du crash, en lisière du bois de Léglantiers.
Tout comme la visite au cimetière militaire de Beauvais, ce pèlerinage sur le site du crash était un passage obligé pour Rosalind et sa famille. Sur place et sous leurs yeux ébahis, quelques petits débris de l’appareil ont rapidement été trouvés. Plus de 80 ans après, divers petits morceaux de métal du bombardier jonchent toujours le sous-bois. Parmi les pièces les plus significatives découvertes : un élément de l’altimètre, une boucle de parachute et une plaque provenant d’un régulateur d’oxygène. Autant de précieuses reliques que la famille du pilote ramènera en Australie.
Contemplant ces petits vestiges, Rosalind exprima ses pensées, les yeux rougis par l’émotion : « J’éprouve un sentiment mitigé de me retrouver ici. Mon père serait incrédule de savoir que nous sommes sur le lieu où se trouvent toujours des restes de son avion. Je ne suis pas triste mais je me sens profondément liée à la situation difficile à laquelle mon père a été confronté. Ma tristesse est pour les deux jeunes hommes de l’équipage qui n'ont pas survécu et pour la façon dont mon père a porté ce fardeau toute sa vie ».
Cette journée s’est terminée par la visite du Musée de l’Aviation de Beauvais-Warluis. Nos amis australiens ont pu y découvrir, parmi les collections exposées, différents éléments d’un Vickers Wellington dont un empennage avec sa structure si caractéristique.