14 et 15 septembre 2019
Léglantiers, Saint Just-en-Chaussée, Wavignies
Froissy et Beauvoir (Oise)
Visite des enfants du S/Sgt Louis I. WATTS
du Sgt William L. EDGE
et du Pvt Joseph J. HOULIHAN
Dans la matinée du 10 mai 1944, après avoir été touché par la Flak, le B-26 “Marauder” # 42-96058 du 394th Bomb Group de la 9th Air Force américaine s’écrasait sur le territoire de la commune de Léglantiers après une mission de bombardement sur les installations ferroviaires de Creil, cible hautement stratégique pour les Alliés à quelques mois du Débarquement tant espéré.
Les six membres de l’équipage parvinrent à se parachuter. Trois furent fait prisonniers peu après leur atterrissage. Les trois autres, le S/Sgt Louis I. Watts, le Sgt William L. Edge et le Pvt Joseph J. Houlihan bénéficièrent d’une aide spontanée de la part de la population du Plateau Picard.
En ce week-end du 14 et 15 septembre, nous avions le grand honneur d’accueillir les descendants de ces derniers pour une visite de deux jours sur les pas de leurs aïeux.
- Pour le S/Sgt Louis I. WATTS (opérateur-radio) : Vicki Olsen (sa fille) et Michael Watts (son fils), ce dernier accompagné de son épouse Lynnette, venus respectivement de l’Arkansas et du Missouri.
- Pour le Sgt William L. EDGE (navigateur/bombardier) : Bob Edge (son fils) accompagné de son épouse Gloria, Traci Abel (sa petite-fille) accompagnée de son époux Jeff et leurs deux filles Cydney et Jordan, de Géorgie.
- Pour le Pvt Joseph J. HOULIHAN (mitrailleur arrière) : Kathleen Argentina (sa fille) et son mari Eddy, Gregg (son petit-fils), Catherine (son arrière-petite-fille) et un couple d’amis, de Pennsylvanie.
Samedi 14 septembre
C’est à Léglantiers, sur le lieu du crash du B-26, que se déroula la première étape de la visite où nous étions rejoints par l’Association “N’Oublie Pas 44”et ses véhicules d’époque.
M. Legros, témoin du crash alors qu’il n’avait que 7 ans, nous expliqua ce qu’il avait vécu lors de cette matinée du 10 mai 1944. “…Je n’ai vu aucun parachute. L’avion a survolé le village à basse altitude avant de s’écraser ici. Au début, on pensait que c’était un appareil allemand…”
M. Legros, témoin du crash du B-26, avec la famille Edge
Des traductions ont été assurées tout au long du week-end pour les 15 membres des familles américaines.
Jeff Abel et sa fille Jordan examinent une pièce d’aluminium retrouvée à fleur de terre le jour-même.
Départ du convoi à destination de Saint Just-en-Chaussée.
où les trois aviateurs avaient atterri en parachute.
De gauche à droite : Michael Watts, Vicki Olsen, Kathleen Argentina et Bob Edge.
Louis Watts, Joseph Houlihan et William Edge furent hébergés, à partir du 3 juin 1944, rue de Paris à Saint Just-en-Chaussée, au domicile d’Yvonne Fossier, jeune maman d’une petite Paulette, et de son compagnon Paul Bègue. A l’époque, Lucien Bertin, jeune résistant de 17 ans, s’y trouvait également réfugié.
Louis Watts et Joseph Houlihan y restèrent jusqu’au 7 juin avant d’être transférés à Wavignies. Ils furent à ce moment définitivement séparés de William Edge pour qui le destin basculera quelques semaines plus tard...
Le 3 juillet 1944, suite à une dénonciation, la Gestapo et environ 300 soldats SS investissaient la localité. Ils cernèrent le bas de la rue de Paris et le domicile d’Yvonne Fossier où se trouvait toujours William Edge. Ce dernier et Paul Bègue s’enfermèrent dans un clapier pendant près de deux heures afin d’échapper à l’arrestation.
C’est alors qu’intervint leur voisine Suzanne Lequien. Elle eut l’audace et la bravoure d’extraire William Edge de la souricière en le cachant au fond d’un landau, avec la fille d’Yvonne Fossier, Paulette âgée de 18 mois, par-dessus. Au nez et à la barbe des Allemands, elle l’emmena alors en lieu sûr chez la sœur de Paul Bègue, un peu plus loin dans la même rue.
75 ans plus tard, c’est donc rue de Paris à Saint Just-en-Chaussée, étape incontournable de l’évasion des trois Américains, que nous avons emmenés leurs descendants pour des rencontres remplies d’émotion. En effet, Paulette (le bébé de l’époque), sa famille, ainsi que Lucien Bertin nous faisaient le grand honneur de leurs présences parmi de nombreuses autres familles françaises qui étaient venues en aide à ces aviateurs.
Paulette et Lucien Bertin.
Une petite surprise attendait toute l’assistance…
L’action héroïque de Suzanne Lequien exfiltrant William Edge fut reconstituée.
Intense moment d’émotion pour Bob Edge (ci-dessus) et sa fille Traci, (ci-dessous) qui ne put retenir ses larmes, en remerciant Paulette, héroïne involontaire qui permit à leur père et grand-père d’échapper aux Allemands. “Je n’en conserve évidemment aucun souvenir car je n’avais que 18 mois. C’est à ma maman et ses amis que doivent être adressées toutes les marques d’admiration…” déclarait timidement Paulette.
De g. à d. : Lucien Bertin, Kathleen Argentina, Paulette (Bègue),Michael Watts et sa sœur Vicki puis Bob Edge.
Cette visite rue de Paris se termina par une photo-souvenir avec toutes les personnes présentes…
La visite à Saint Just-en-Chaussée s’est poursuivie par une réception à l’Hôtel de ville où nous avons été reçus par M. Frans Desmedt, Vice-président du Conseil départemental de l’Oise et maire de la ville, entouré de ses conseillers municipaux.
Les véhicules militaires stationnés devant l’Hôtel de ville.
Souhaitant la bienvenue à l’importante délégation américaine, Frans Desmedt n’a pas manqué de rappeler les liens très forts qui unissent notre pays aux Etats-Unis et a souligné l’importance de l’engagement des Alliés venus sauver la France au prix de nombreux sacrifices. Puis ce fut un moment de partage autour du verre de l’amitié.
C’est à Wavignies que se poursuivait la journée. A proximité de l’ancien château incendié par les Allemands avant la Libération, les faits de résistance survenus dans le village ont été évoqués en présence d’André Renaux, maire du village. Antoinette Dhuyvetter, qui habitait la commune, hébergea Louis Watts et Joseph Houlihan du 7 au 28 juin 1944.
Tout le monde prit ensuite la direction du centre du village.
A l’ancienne maison d’Antoinette Dhuyvetter.
C’est dans la salle des fêtes que se terminait cette première journée de visites. M. André Renaux exprima toute sa fierté d’accueillir les familles américaines dans son village, rappelant le rôle prépondérant des Alliés pour la Libération de notre région et de la France.
André Renaux, maire de Wavignies.
Malgré toute sa modestie, Lucien Bertin fut également mis à l’honneur. Natif du village, son engagement dans la Résistance fut rappelé, notamment l’aide qu’il procura à deux aviateurs britanniques, Robert Hollocks et James Reid, seuls survivants du crash d’un Halifax du Squadron 578 de la RAF abattu à proximité dans la nuit du 12 au 13 juin 1944. Avec ses parents (son père était chef de gare à Wavignies), il n’hésita pas à les recueillir et les héberger avant qu’ils poursuivent avec succès leur évasion.
Cet accueil par la municipalité de Wavignies fut suivi du verre de l’amitié.
Les actions courageuses de Lucien Bertin ont été saluées.
Dimanche 15 septembre
Dans la matinée, c’est à Froissy que notre périple sur les pas des aviateurs s’est poursuivi.
Nous nous somme rendus aux ex-domiciles des familles Ropital et Boisselin où les propriétaires actuels nous ont chaleureusement accueillis.
De nombreux membres de ces deux familles nous attendaient. Ce fut une nouvelle fois très émouvant, aussi bien pour les familles françaises qu’américaines, de se rencontrer et de se retrouver tant d’années plus tard sur les lieux où leurs ancêtres avaient vécu et étaient venus en aide aux aviateurs. Malgré la barrière de la langue, elles ont pu échanger longuement, animées par un profond sentiment de gratitude réciproque.
Après être rentrés auprès de leurs familles aux Etats-Unis, Louis Watts, Joseph Houlihan et William Edge parlèrent rarement de la guerre. Par contre, ils se souvenaient beaucoup de leur épopée en France et n’avaient jamais oublié le dévouement des résistants qui les avaient secourus.
Un hommage aux parents des familles Boisselin et Ropital a ensuite été rendu par les familles américaines dans le cimetière communal.
en compagnie des familles Watts et Houlihan.
à son grand-père Joseph Houlihan ainsi qu’à Louis Watts.
devant le même mur de briques près duquel les aviateurs furent photographiés en mai 1944.
Dans l’après-midi nous avons pris la direction de Beauvoir, une étape qui concernait plus particulièrement le périple de l’aviateur William Edge jusqu’à son arrestation le 28 juillet 1944.
Avant de nous diriger à Beauvoir et ne désirant pas terminer notre périple par l’épisode le plus sombre du parcours de William Edge dans notre région, nous nous sommes rendus tout d’abord à proximité du bois des Moines, entre Bonvillers et Ansauvillers, sur le lieu où il vécut ses derniers moments de liberté.
Il était nécessaire pour la famille Edge de connaitre cette partie de l’histoire à l’endroit-même où les faits s’étaient déroulés.
mais aussi attristés d’apprendre les circonstances de l’arrestation.
Le village de Beauvoir fut l’ultime étape de notre visite. Nous avons été formidablement accueillis par un grand nombre de descendants des familles Le Mouel et Ménard, dans la maison qu’occupait jadis leur aïeul Joseph Le Mouel qui prit tant de risques en logeant des aviateurs. A l’arrière de la maison, sous les toits, les descendants de l’aviateur William Edge ont pu découvrir la “planque” éclairée par une simple petite fenêtre où il se dissimulait.
Quelle joie ce fut pour tous d’assister à cette rencontre entre les familles américaines, plus particulièrement pour la famille Edge et la famille Le Mouel/Ménard, exprimant toutes, les unes envers les autres et au-delà des générations, un grand sentiment de reconnaissance mutuelle.
Les familles Edge et Le Mouel/Ménard réunies pour une photo souvenir.
Ce week-end du souvenir se termina dans la salle des fêtes du village de Beauvoir où nous avons tous eu le plaisir d’être reçus par le maire, M. Laurent Tribout, et son équipe municipale.
Très honoré d’accueillir ces familles américaines, M. Tribout évoqua l’amitié qui unit depuis très longtemps la France et les Etats-Unis tout en soulignant l’aide apportée par ce pays pour nous libérer. “…Nous avons une histoire ensemble et avons également un futur ensemble… Face aux nouvelles générations, il est important d’avoir un devoir de mémoire par rapport aux sacrifices consentis par tant d’hommes de différents pays afin de sauver notre Liberté et combattre l’idéologie nazie… Je suis ravi de vivre ce moment de joie et de partage puisqu’il n’est pas fréquent d’avoir des Américains chez nous…”
Ce moment très sympathique fut suivi du verre de l’amitié plus que bienvenu par cette très chaude journée de fin d’été.
Ce week-end fantastique qui généra tant d’échanges et de partages prenait fin. Arriva bien trop vite le moment difficile de la séparation avec toutes ces familles. Nos amis américains allaient poursuivre, pour certains d’entre eux, leurs visites dans d’autres contrées de France pendant quelques jours encore.
De ces deux journées passées en leur compagnie restera le souvenir de très belles rencontres, source d’une grande amitié entre les descendants des familles américaines et les nombreux descendants de leurs sauveteurs à savoir les familles de Jean Boisselin, de Juste Desesquelles, d’Yvonne Fossier/Paul Bègue, de Joseph Le Mouel, d’Henri Ménard, de Bruno Radziminski, d’Eugène Ropital, sans oublier Lucien Bertin qui fut un témoin direct du séjour des aviateurs. Tous étaient si touchés mais aussi heureux d’avoir vécu ce week-end en mémoire de leurs ascendants qui, à la fois dans les airs ou au sein de la Résistance, avaient lutté contre le nazisme et pour la Liberté au cours de cette période obscure de notre Histoire.