4 et 5 mai 2017
Campremy, Agnetz, Clermont, Montataire (Oise)
Visite des enfants du S/Sgt Leonard F. Bergeron
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En ce début du mois de mai, l'Association des Sauveteurs d'Aviateurs Alliés-Oise a eu le grand plaisir d’accueillir les trois fils du S/Sgt Leonard F. Bergeron, mitrailleur à bord d’une Forteresse volante du 306th Bomb Group abattue le 11 février 1944 dans notre région au retour d’une mission de bombardement sur l’Allemagne. Dennis, Stephen et Donald Bergeron, accompagnés pour les deux premiers de leurs épouses Pamela et Sandra, venus tout spécialement de Floride et du Connecticut, souhaitaient découvrir une partie du parcours et des lieux où leur père fut secouru et recueilli en février-mars 1944 dans notre région.
Ce pèlerinage débutait sur le site du crash de l’appareil à proximité des villages de Campremy et de Wavignies. Outre le fait de nous trouver à l’endroit-même où le quadrimoteur avait terminé sa course 73 ans auparavant, l’émotion était accentuée par la présence aux côtés de cette famille américaine des descendants des familles Pouly, Bouchard, Legrand-Sauvage et Fleury. Ces familles étaient venues en aide à l’époque au S/Sgt Bergeron dans la région clermontoise. Cette émouvante rencontre était suivie par une équipe de reporters de la télévision régionale France 3 Picardie qui nous fit l’honneur de nous accompagner pendant une grande partie de la journée.
Donald Bergeron interviewé par la télévision régionale
Des détails sur les circonstances du crash de l’appareil étaient décrits. Lors de la chute du bombardier, le corps du mitrailleur de tourelle ventrale ne fut jamais retrouvé. En septembre 2013, en ce même lieu, nous avions reçu une délégation du Missing Personnel Office du Département de la Défense des Etats-Unis venue investiguer le site du crash afin de tenter de retrouver les restes du S/Sgt James H. Coleman, le seul membre de l’équipage qui perdit tragiquement la vie. Un panneau montrant de multiples petits débris de métal du bombardier était également présenté aux enfants du S/Sgt Bergeron.
La seconde étape de la visite nous emmenait à Gicourt, hameau de la commune d’Agnetz, à l’endroit-même où se trouvait l’ancienne entreprise de battage de Pierre Pouly. C’est dans cette maison que fut hébergé temporairement le S/Sgt Bergeron ainsi que deux de ses compagnons, le T/Sgt Hewitt et le S/Sgt Golden, dans la soirée du 11 février 1944. Un moment particulièrement émouvant pour Jean Pierre Pouly qui réside désormais dans le sud de la France. Sa maison natale, malgré des transformations, présente toujours le même aspect général. Agé de trois ans en février 1944, il n’a cependant conservé aucun souvenir du sauvetage des trois aviateurs par ses parents mais se souvient que son père en parlait quelquefois après la guerre.
Cette demeure, depuis de longues années convertie en restaurant, nous offrait l’opportunité d’y prendre le déjeuner. Ce repas pris sur le lieu-même où le S/Sgt Bergeron avait été recueilli, fut l’occasion pour les familles d’échanger et de partager nombre de photos et de souvenirs.
Jean Pierre Pouly
La suite de la visite s’est poursuivie au hameau de Wariville, près de Litz. C’est aux abords de cet immense domaine agricole que le S/Sgt Leonard F. Bergeron et ses deux compagnons avaient atterri en parachute. Recueillis par Pierre Pouly, entrepreneur de battage, et ses ouvriers, les trois aviateurs furent rapidement dissimulés dans une meule de foin jusque dans la soirée avant d’être emmenés à Gicourt.
Chaleureusement accueillis par le propriétaire des lieux, les fils du S/Sgt Bergeron éprouvaient une grande émotion de se retrouver sur le lieu où leur père avait touché et foulé pour la première fois le sol de France.
A la ferme de Wariville
Dennis, Donald et Stephen Bergeron
La visite se prolongeait ensuite dans le centre-ville de Clermont, devant les ex-demeures du Dr Roger Bouchard et de la famille Legrand-Sauvage. Le S/Sgt Bergeron ainsi que plusieurs membres de son équipage séjournèrent pendant une semaine dans la ville en février 1944 avant de poursuivre leur évasion.
La maison du Dr Roger Bouchard Devant la maison de la famille Legrand-Sauvage
Cette magnifique journée s’est terminée à l’hôtel de ville où une réception officielle était organisée par la municipalité de Clermont en l’honneur de la visite de cette famille américaine.
Accueillis chaleureusement par le maire, Mr Lionel Ollivier, celui-ci exprimait, au nom de sa municipalité, toute sa fierté d’accueillir les enfants du S/Sgt Leonard Bergeron ainsi que tous les descendants des familles clermontoises et de sa région qui avaient participé non seulement au sauvetage de l’aviateur mais également à tant d’autres. Outre les familles Pouly, Bouchard, Legrand-Sauvage et Fleury, Mr Didier Redaud, fils du Dr Gaston Redaud, nous honorait de sa présence. Ses parents avaient hébergé à l’époque le pilote et le copilote de l’appareil : le 1st Lt Geno Di Betta et le 2nd Lt Earl J. Wolf.
Mr Lionel Ollivier, maire de Clermont
Le parcours du S/Sgt Bergeron était retracé et récapitulé par Dominique Lecomte avant de laisser la parole à Mme Arlette Baudet, fille du Dr Roger Bouchard qui était également maire de Clermont à l’époque. Evoquant ses souvenirs, bien que très jeune en 1944, elle se souvient qu’une partie de sa maison était réquisitionnée par les Allemands. Son père lui interdisait de leur parler. Elle rappela aussi que son père resta toujours très discret vis-à-vis de ses enfants sur son activité au cours de la guerre. Sur le point d’être arrêté quelques temps après être venu en aide au S/Sgt Bergeron, il dut fuir. Lorsque les Allemands se présentèrent à son domicile, pour justifier son absence, sa mère leur tendit une lettre mentionnant que son mari l’avait abandonnée ainsi que ses enfants !
Après la Libération, le Dr Bouchard emmena ses enfants sur les plages du Débarquement en Normandie. Visitant alors les nombreux cimetières, il leur rappela le sacrifice de tous ces jeunes soldats tombés loin de leurs patries pour notre Liberté.
Patrick Fleury, petit-fils de Georges Fleury et Président de l’Association des Anciens FFI et leurs Amis, prenait ensuite la parole afin d’évoquer le devoir de mémoire si important de nos jours. Il a rendu hommage à toutes les familles qui n’hésitèrent pas à héberger et convoyer les aviateurs alliés en dépit de tous les risques au cours de l’Occupation. Ses grands-parents logèrent une multitude d’aviateurs, dont le S/Sgt Bergeron pendant une courte période, avant d’organiser la suite de leur évasion.
S’exprimant au nom de sa famille, Stephen Bergeron s’est dit très honoré d’être reçu à Clermont et a tenu à remercier toutes les personnes qui ont participé à cette journée du souvenir en mémoire de son père. C’est avec une grande émotion que ses frères et lui ont pu marcher dans les pas de leur père tout au long de cette magnifique journée. Leur père n’avait jamais oublié les personnes de Clermont et de France qui lui avaient sauvé la vie et qui lui avaient permis de rentrer sain et sauf au pays. Leonard Bergeron ne parlait jamais de son expérience au combat mais ne manquait jamais d’exprimer une profonde reconnaissance envers toutes les personnes de la Résistance française qui lui avaient permis d’échapper à la capture ou la mort. Stephen précisa que son père aurait été très fier de savoir que nous n’avons pas oublié.
Pour clôturer la cérémonie et en souvenir de leur visite à Clermont, la municipalité a décerné à Dennis, Donald et Stephen Bergeron la Médaille de la ville.
Le reportage télévisé de France 3 Picardie
Le lendemain, avant de partir pour la Normandie, la famille Bergeron avait souhaité se rendre à Montataire. Pendant leur séjour forcé dans le département de l’Oise, le S/Sgt Bergeron et son copilote le 2nd Lt Earl J. Wolf, après avoir quitté Clermont, ont été hébergé à Creil. Le dimanche, ils se rendaient au domicile de la famille Dorez pour y prendre des repas en compagnie d’autres aviateurs. 73 ans plus tard, nous avons pu nous rendre sur le lieu-même où 73 ans auparavant des photos avaient immortalisé ces moments.
Quelques jours plus tôt, à Paris, nous avions eu l’honneur de rencontrer Jacqueline, la fille de la famille Dorez. Témoin du séjour des aviateurs hébergés par ses parents (elle se trouve au centre, habillée en blanc), Jacqueline se souvient très bien de cet Américain, prénommé Leonard, né au Canada et qui avait la particularité de bien parler en français.
Jacqueline entourée de la famille Bergeron
Agée de 18 ans en 1944, Jacqueline se souvient : “Il était hébergé, avec son copilote Wolf, chez Mr et Mme Stubert qui habitaient à Creil et qui étaient les parents de mon beau-frère. Le dimanche, ils venaient chez nous, à Montataire. Ils étaient heureux de rencontrer deux autres aviateurs américains que nous hébergions, les 2nd Lts Lorenzi et Packer. Au cours des repas, ils se racontaient leurs aventures et plaisantaient beaucoup entre eux. Mr Stubert possédait un appareil, c’est pourquoi nous avons pu prendre des photos dans l’arrière-cour malgré les risques car les Allemands étaient présents dans la ville”.
Leonard F. Bergeron était revenu à Clermont en 1971 où il avait rencontré Odette et Gaston Legrand afin de les remercier personnellement. En 1976, Odette et Gaston étaient aussi allés lui rendre visite dans le Connecticut.
Les années ont passé. Leonard F. Bergeron est décédé en 1991 et la plupart des témoins directs qui lui étaient venus en aide ont de nos jours disparu. La visite des enfants du S/Sgt Bergeron au cours de laquelle ils ont pu rencontrer les descendants des sauveteurs de leur père permet de perpétuer et de transmettre, au-delà des générations, la mémoire de ceux qui ont lutté pour un idéal de liberté.